Interview de Julien Beller, architecte
Julien Beller, un architecte français d’avant-garde – Parmi ces français qui changent notre monde, rencontrons Julien Beller, le talentueux architecte français engagé qui porte un nouveau regard sur notre relation à la ville, à l’urbain, à nous aussi. Car le travail de Julien Beller est tout autour de cela: comment réinventer notre vie, nos espaces urbains, nous réapproprier le bien commun, de le faire évoluer pour en créer du bien, du vrai, du bon.
Julien Beller, c’est une autre vision de l’architecture et de son rôle dans les espaces sociaux. C’est une architecture vue hors les murs, hors les cadres, qui agit et qui donne de nouvelles perspectives. L’architecture par Julien Beller, c’est d’abord une architecture au service des autres, en particulier au service des gens déracinés, des populations éphémères, de ceux qui sont de passage. Julien voit son acte de construire comme un acte de fondation d’un projet social avant tout, créant des lieux d’échanges, autonomes et évolutifs, avec une touche marquée d’écologie et de modernité.
Créer en architecture, c’est pour Julien un acte engagé, social, responsable, associant la base, les usagers à cet acte hautement créatif. Ainsi, Julien est connu pour avoir conçu, élaboré, dirigé et livré le grand camp de réfugiés de La Porte de la Chapelle à Paris, dont nous avons vu les admirables réalisations lors de notre reportage sur l’association militante Utopia56 (publié dans notre rubrique Innovation). Un camp établi aux normes du HCR, très bien conçu, fonctionnel et efficace, même ludique. Une belle réussite, un exploit d’architecture de terrain, livré en un temps record. Le tout est démontable à l’instar de cette gigantesque bulle réalisée par son ami Hans Walter Muller. Une telle prouesse n’aurait pas été possible sans la riche expérience accumulée par Julien dans ce qui fait sa marque de fabrique: une réflexion profonde sur l’habitat éphémère, les lieux d’urgence, l’architecture adaptative.
Julien s’est engagé au plus tôt dans sa formation vers cette voie, à l’exemple des membres de sa famille: un oncle French doctor au Kenya, un frère architecte en Chine, des origines franco-américaines qui formeront sa vision. Après une courte tentative en médecine (son père est médecin), c’est dans l’Alsace de ses origines, à Strasbourg qu’il fera ses classes à l’Ecole d’Architecture de Strasbourg, où l’influence des écoles allemandes (l’écologie) et suisses (la rigueur) se font sentir. Ses origines américaines par sa mère lui donnent envie de découvrir d’autres horizons, ce sera l’Afrique chez son oncle et sa première approche des habitats locaux, alternatifs et ethniques mais satisfaisant aussi un besoin d’internationalisme en rejoignant une école d’architecture célèbre en Europe, le TU de Delft à Rotterdam. Ses condisciples travaillent chez le maître Rem Khoolhas, lui choisira une plus petite agence où il apprendra l’imagerie 3D, une innovation à l’époque. L’Afrique l’appelle à nouveau et c’est à Soweto en Afrique du Sud qu’il redéfinira l’habitat local collaboratif sur les bases de la capacitation-empowerment dans ce qui est le plus grand bidonville d’Afrique.
Il achèvera sa formation par le fameux DPLG de l’Ecole de la Villette à Paris, il fera le choix de présenter son diplôme sur les aires d’accueil des gens du voyage, avec qui il va vivre et apprendre les us et coutumes. Une épreuve de diplôme remarquée, atypique, faite sous le mentorat de l’architecte français hors normes Patrick Bouchain. Son action de terrain se poursuit avec la création du collectif pluridisciplinaire EXYZT qui requestionne l’urbain et ses usages mais aussi dans son implication au sein d’AOA Alternative Organization Architects qui intervient au Togo, Cameroun, Mali et Maroc pour y construire des écoles et des habitations faisant usage des ressources locales et valorisant les savoir-faire autochtones.
La réalisation sociale pour laquelle Julien s’est le plus impliqué est le fameux 6B à Saint-Denis, un immense bâtiment de bureaux délaissé qui fût transformé dès 2008 en lieu de vie, d’échanges et de culture, tout en étant une pépinière de jeunes entrepreneurs et d’entreprises créatives. Un lieu qui fait vite parler de lui pour son dynamisme social, solidaire, festif et artistique, qui redonne vie à une partie de Saint-Denis, terre d’adoption de Julien où il construira sa propre maison éco-autonome. Le 6B est aussi significatif de l’intention architecturale de Julien que la Cité Radieuse à Marseille l’a été pour le célèbre Le Corbusier.
C’est dans ces bureaux que Julien nous reçoit, un lieu de partage qui regroupe ces jeunes collaborateurs directs, avec pour touche locale, la vue sur la Basilique de Saint-Denis. C’est d’ici que Julien pilote ses projets en cours et futurs: l’éco-habitat collectif l’Arche-en-l’Ile sur l’Ile-Saint Denis, la réhabilitation d’une piscine en centre social collectif à Sainte-Geneviève-des-Bois, le réaménagement piéton de la Place de la Bastille puis la réhabilitation programmée du 6B.
On aime chez Julien cette humanité sincère, son approche fine de la connaissance de l’autre et des cultures croisées, ses réflexions sur l’habitat et les échanges sociaux. Julien et ses équipes font preuve d’enthousiasme et de passion dans leurs réalisations, c’est le signe d’une France nouvelle qui émerge, hors des sentiers battus, faisant preuve de créativité et d’audace. Ce fût un plaisir de rencontrer Julien Beller, un architecte français de talent qui nous fait voir le monde sous un nouveau jour, pour la redécouverte d’une solidarité et un humanisme engagé dans l’architecture. Un exemple français à suivre. - Julien Beller Architecte, un studio d’architecture foisonnant de créativité établi au 6-10, quai de Seine, 93200 Saint-Denis - www.le6b.fr/author/beller/ - Mars 2017